
En Arabie Saoudite, être ingénieur représente bien plus que toute autre profession. Avec le plan « Saudi Vision 2030 » visant à réduire la dépendance de l’Arabie Saoudite vis-à-vis du pétrole et à diversifier son économie, les ingénieurs saoudiens sont devenus une denrée rare extrêmement convoitée par les entreprises.
Amr Fahmy et Taqiadden Almuntaser font partie de ces brigades d’ingénieurs qui sont en train de façonner l’avenir de l’Arabie Saoudite. Le premier, ingénieur mécanicien titulaire d’un MBA en management international, est le directeur du développement commercial d’Assystem. Il travaille sur de grands projets d’infrastructures dans les secteurs du tourisme et des loisirs. Le second, directeur du département BIM chez Assystem Radicon, est également maître de conférences au département génie du bâtiment de l’Université Imam Abdulrahman Bin Faisal à Dammam.
Bâtir l’avenir de l’Arabie Saoudite
Le roi l’a parfaitement compris : les ingénieurs saoudiens sont la clé de l’avenir du pays. En effet, Amr reconnaît que l’Arabie Saoudite s’est longtemps reposée – et c’est encore une réalité aujourd’hui – sur le pétrole et le gaz. Or, avec l’épuisement programmé des ressources en pétrole, le pays doit aller de l’avant et développer d’autres secteurs (tourisme, énergie, loisirs, agro-alimentaire, etc.) afin de gagner en indépendance vis-à-vis des pays étrangers. Le pays pousse actuellement les entreprises à localiser leurs industries, à créer des usines sur place au lieu d’importer des biens de l’extérieur. D’où ce besoin d’ingénieurs.
Afin de mettre en œuvre ce plan « Saudi Vision 2030 », des ingénieurs sont appelés du monde entier. Cependant, ce recrutement d’ingénieurs étrangers n’a pas vocation à durer. En effet, « Saudi Vision 2030 » met l’accent sur la population et les ressources locales. « Au cours des dernières décennies, le pays a souffert d’une pénurie d’ingénieurs saoudiens qualifiés. Nous essayons malgré tout de remédier à cette situation », explique Amr. Aujourd’hui, le nombre d’élèves ingénieurs augmente, ce qui crée en même temps de nouveaux débouchés pour les femmes pour répondre à la demande.
Cette augmentation soudaine n’est toutefois pas sans poser des problèmes. « Les ingénieurs saoudiens sont compétents mais ils peuvent parfois manquer d’expérience. Ils ont besoin de renforcer leurs capacités sur le terrain, de s’inspirer de solutions pratiques et d’ingénieurs étrangers expérimentés. De plus, ils coûtent généralement plus chers que les ingénieurs venant d’autres pays », ajoute Amr. Ainsi, pour encourager les entreprises saoudiennes à embaucher principalement des employés saoudiens, le gouvernement a mis en place un « taux de saoudisation ». Les entreprises doivent compter dans leurs rangs au moins 25, 30 ou 35 % d’employés saoudiens pour avoir le droit de participer aux appels d’offres. Pour certains projets gouvernementaux, ce taux doit également s’appliquer au niveau chaque équipe. Cette « discrimination positive » est toutefois loin d’être la seule raison qui explique pourquoi les entreprises tendent à favoriser les ingénieurs saoudiens plutôt que les étrangers.
Un avantage concurrentiel dans leur propre pays
En tant qu’enseignant et directeur, Taqiadden a remarqué un point intéressant : l’implication des ingénieurs saoudiens naît d’une motivation plus profonde que celle d’autres nationalités. « Ils ont une double responsabilité : envers leur entreprise et envers leur pays. Ils veulent tous participer au développement du pays. » Une caractéristique dont les entreprises saoudiennes peuvent tirer un vrai avantage.
De plus, selon Amr, la culture du travail informelle en Arabie Saoudite peut être perçue comme un défi pour les étrangers. « En Occident, par exemple, les réunions sont plus formelles, avec des supports diffusés en amont et des comptes-rendus envoyés par la suite. Les instructions sont claires, les cahiers des charges des offres sont parfaitement définis. En Arabie Saoudite, les affaires se font plus de manière verbale qu’à l’écrit. Les projets peuvent être volontairement ambigus. Les équipes doivent faire preuve de beaucoup d’attention, elles doivent savoir lire entre les lignes et poser des questions aux clients afin de clarifier leurs objectifs et mieux comprendre leurs attentes. »
En fait, l’intuition et les relations personnelles jouent un rôle beaucoup plus important que dans les pays occidentaux. « Les affaires touchent à quelque chose de très personnel au Moyen-Orient, même chez les personnes les plus avancées et instruites », explique Amr. « Nous devons continuellement travailler très dur pour comprendre le client et répondre à ses besoins, même si les résultats se font parfois attendre. En revanche, si un jour, nous sommes en difficulté, nous pouvons être sûrs que ce même client nous aidera. »
Enfin, et il faut le souligner, le travail ne s’arrête pas une fois que l’on a posé la dernière pierre ou la dernière couche de peinture. L’une des grandes compétences que Taqiadden enseigne à ses élèves est comment développer ses aptitudes en communication et réussir dans son métier d’ingénieur. Comme l’explique Amr, « savoir expliquer est essentiel pour qu’un projet soit considéré comme réussi. Les ingénieurs doivent faire preuve de patience et de pédagogie, en expliquant au client ce qu’ils ont fait, pourquoi et comment ils l’ont fait… ».
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